Comment, en partant de quelques idées, en arrive-t-on à créer une marque ? C’est une question à laquelle nous avons essayé de répondre au cours d’un travail sur la création d’une marque. Pour y répondre nous nous sommes appuyés sur un marché en croissance, une marque forte d’une histoire et d’une image travaillée, et d’un produit ingénieux.
S@W réalisé avec Pernile Pinard-Legry et Clémentine Lunt
Rappel sur la marque ici
Premières idées
Nous avons commencé par écrire chacun nos idées de produits/marques/concepts et, dans un deuxième temps, avons indiqué laquelle nous plaisait le plus. Le choix s’est porté sur la proposition « marque de sac à dos modulaire (dérivé des gilets de combats Arktis) ». Ce sac sera donc notre premier produit.
Partant de là, nous avons cherché un nom en rapport avec la nature car nous pensions que l’application à nos produits serait les sports dit outdoor in extenso : le trail, la randonnée et le canoë-kayak. Nous avons donc cherché des noms en rapport avec la mythologie, nos acronymes (PPL, Puyau-Pinard-Lunt, diminutif de People en anglais), des lieux (Verdon, Horn…), des références culturelles (La Blanche Hermine) et leurs dérivés (Until The World’s End and Beyond – UTWEB, d’après Pirates des Caraïbes).
Notre choix s’est porté sur une référence mythologique. Après avoir cherché du côté des Nordiques, des Celtes et des Slaves (qui nous semblaient plus en phase avec la Nature), nous avons fini par choisir le nom Zorya, une divinité slave.
Écrivons une histoire
Nous nous sommes donc servis de l’histoire entourant cette divinité afin d’écrire notre propre histoire :
« Dans la mythologie slave Zorya est une femme composée de 3 personnes différentes : l’étoile du matin, l’étoile du berger et l’étoile de minuit. Ensembles elles protègent l’Univers contre le Jugement Dernier.
Ce qui nous a plu dans ce nom est la coexistence de trois personnes différentes au sein d’une entité supérieure. Chacune apportant sa contribution tout en étant complémentaires. Si l’une d’elle s’arrête c’est la fin de tout.
Si l’un de nous s’arrête, tout le monde s’arrête.
Ces trois étoiles nous rappellent aussi que l’une des plus belles choses au monde, un ciel pur rempli d’étoiles, n’est plus observable qu’en pleine nature. Coupés du monde moderne nous prenons le temps de respirer, d’observer, de vivre. »
L’idée était d’appuyer sur le travail, la coopération et la complémentarité sans laquelle, à notre sens, aucune entreprise ne peut voir le jour. La partie sur l’arrêt d’un des fondateurs qui entraîne la fin de l’entreprise met en avant ce qui est à la base de l’entreprise : l’aventure humaine. Le dernier paragraphe préfigure ce qui fera l’image de la marque.
Nous avons aussi ajouté juste avant ce texte, un semblant d’histoire « fondatrice » afin d’avoir une partie plus légère qui viendrait se placer en préambule de l’annonce du nom de notre marque :
« Qui sommes-nous ?
Pierre, Breton en exil à Paris
Pernile, Norvégienne sous couverture
Clémentine, Grande-bretonne venue envahir la France
Nous nous sommes tous les trois rencontrés sur les bancs de la Sports Management School de Paris en septembre 2015. A l’occasion d’un cours sur la création de marque avec M. Mossé nous nous sommes retrouvés autour d’un projet devenu aujourd’hui réalité…
Nous tenons à remercier le Sunset pour ses fameux Passe-temps, propices à nos brainstormings les plus fructueux. »
Cette histoire contient des références propres à notre promotion à SMS et au cours en lui-même. Le but était de capter l’attention de la classe dès le début de la présentation. Une petite réussite.
Nous devions ensuite du créer un ADN de marque. Nous nous sommes rapidement fixés sur les quatre mots suivants : Nature, Liberté, Fiabilité et Pratique. Cet ADN nous a permis d’écrire ce qui constituait notre « mission » :
« ZORYA c’est avant tout une promesse.
Une promesse faite au monde. Aux personnes qui y habitent, et à celles qui y habiteront demain. Nous leur promettons de faire tout notre possible afin de protéger cette Nature qui est à la source de notre travail.
Cela passe avant tout par nos produits.
Conçus pour durer car nous ne supportons plus de devoir consommer à tout prix. Quitte à investir dans un produit autant que ce soit pour la vie (mais 50 ans c’est un début).
Conçus pour respecter l’environnement car nous ne voulons plus participer à la destruction annoncée de notre planète. Quitte à passer plus de temps à rechercher des matières, des fabricants, des usines qui respectent à 100% notre cahier des charges.
Ce n’est pas parce que l’on fait partie du problème que l’on ne peut pas faire partie de la solution. »
Cette partie est parfaite pour se retrouver sur un site internet de marque dans une partie éponyme ou un manifeste de marque.
Nous avons ensuite été amenés à faire un moodboard sur nos valeurs. Moodboard qui va me permettre de parler de l’image et de notre identité graphique.
Mettre en image notre histoire
Pour commencer voici le moodboard en question :
Nous avons réalisé ce moodboard à partir d’illustrations Pinterest, dont le format se prête en général très bien à des présentations. La partie Nature et liberté a été assez simple : des montagnes, des étendues d’eau, des forêts, etc. Pour la fiabilité et le côté pratique il a fallu se creuser un peu plus la tête sur ce que ces mots représentaient pour nous : 2CV (en son temps), un 3210 (modèle emblématique de Nokia), une boussole (qui toujours le Nord), un couteau suisse, etc.
Nous avons utilisé la police Adam qui sera notre police principale. La force de cette police réside dans ses majuscules : épurées, sobres et dans un style adapté à notre marque. C’est pour cela que nous l’avons choisie pour créer notre logo :
On retrouve ici notre police, le nom de Zorya ainsi que 3 étoiles représentant les 3 divinités qui composent Zorya (mais aussi les trois créateurs de la marque). Pour faciliter la prononciation de la marque, les étoiles ont été placées entre la 1re et la 2e syllabe.
Nous avons aussi fait une proposition de baseline, mise en situation ici :
A mon goût cette baseline est bonne mais nous aurions, en prenant plus de temps, aboutir à quelque chose d’encore meilleur. Petit point sur nos visuels : nous n’utiliserons que des images en lien avec la nature de préférence simple et sans fioritures.
Cela nous a servi de base pour la stratégie de content marketing que nous avons essayé de mettre en place. Nous voulions alimenter un site internet de marque avec du contenu (photos et vidéos) créé par nous et nos clients et mettant nos produits en contexte, tout en restant sur notre partie « Nature ». En plus de ce site nous comptions utiliser les réseaux sociaux (Facebook, Instagram) pour relayer ce même contenu (auquel s’ajouterai du contenu visuel et rédactionnel créé par des blogueurs/influenceurs) ainsi que pour assurer la promotion de nos produits.

Des idées de contextualisation (source : Pinterest)
Toujours dans cette idée d’associer nos clients à la création de contenu de marque nous pourrions en sélectionner certains pour certaines de nos campagnes.
Pour la création de contenu vidéo (le plus viral sur internet actuellement), une chaîne YouTube en plus des deux réseaux précédemment cités nous semblait obligatoire pour partager nos vidéos publicitaires de marque et pour nos produits. Notre source d’inspiration principale étant les publicités de Volvo (dans l’atmosphère et le design sonore).
A noter que nous souhaitions éviter les campagnes d’affichage et avons proposé la chose suivante :
« En rupture avec une partie de l’industrie textile en général, ZORYA compte faire de même pour sa stratégie de communication.
Une campagne d’affichage (métro, abribus, 4×3, etc.) est largement génératrice de pollution. Qu’elle soit d’ordre visuelle ou de gaspillage de papier.
Pour faire passer notre message écologique nous allons utiliser le temps de cerveau disponible dans les transports pour véhiculer un message plus intéressant que celui de la publicité classique.
Nous allons acheter de l’espace publicitaire et, en partenariat avec des structures telles que National Geographic ou des musées, proposer des photos ou œuvres en lien avec la nature. Cette première sera un coup de projecteur énorme sur notre travail même si elle ne devra jamais être apposée sur ces images. ».

Source : National Geographic – Chicago Town Hall
Le reste de nos actions de communication/marketing s’articulaient autour d’une présence sur des salons B to C (ou du moins en évitant les salons B to B) autour de la nature/voyage/randonnée, de courses dont l’esprit collait avec le nôtre (ex : Lyon Kayak, EcoTrail, etc.) et du street marketing avec l’opération suivante :
« Organiser au niveau des grandes gares Parisiennes, et Européennes (=voyage) des Stands ZORYA constitués de kakemonos, d’affiches, d’une estrade et de représentants de la marque. Avec pour objectif de faire participer les passants à “une mission” et ainsi gagner des produits ZORYA. Celle-ci consiste à atteindre des paliers de squats avec notre sac ZORYA sur le dos + 20 kilos :
- 10 squats → Goodies (bonnets, stylos, gourdes, boussoles mais de qualité ! …)
- 25 squats → Bon de réduction de 5€ sur nos features
- 50 squats → Bon de réduction de 50€ sur nos sacs
- 100 squats → Sac offert
Avant de partir les “aventuriers” repartiront avec une photo souvenir grâce à notre Photobox.
Objectif : faire connaître notre marque auprès des voyageurs français et européens. Une expérience client sportive et amusante ! Inciter le passant à revenir, à consulter sur Internet ou à se rendre sur nos points de vente pour retrouver nos produits. »
Mais au fait c’est quel produit ? Pour quel marché ?
A la lecture des parties précédentes vous savez désormais que notre premier produit serait un sac et qu’il se situerait sur le secteur/marché de l’outdoor techwear.
Pour faire simple notre sac utilisait la technologie des poches MOLE, popularisés par les gilets de combats Arktis, qui permettent de fixer n’importe qu’elle poche n’importe ou sur le gilet. L’idée était de proposer des options de personnalisation (poche appareil photo, barres de céréales…) achetables séparément du sac ou déjà configurés sur des sacs, proposé dans trois formats (trail, ville, randonnée), deux coloris (gris et vert). Le produit contenait des éléments de conception basiques par rapport à notre positionnement : matière Sympatex (imperméable, coupe-vent, résistant, biodégradable), coutures thermo-soudées (imperméables, résistantes) et zip YKK Aquaseal (imperméable).
« Le techwear désigne une catégorie de vêtements incluant des tissus spéciaux avec des technologies avancées, des techniques de construction qui vont au-delà du traditionnel, ainsi que des coupes permettant une mobilité maximale. […] Les marques de ce segment (techwear outdoor) sont celles utilisant le plus de matériaux techniques : elles sont spécialisées dans le domaine de la randonnée, de l’alpinisme, de la navigation sportive, et parfois du monde du workwear. ».
Source : Bonne Gueule (allez-y s’il vous plaît, ce site/cette marque a beaucoup influencé notre travail)
Ce marché est en pleine croissance poussé par la croissance (entre 5 et 10%) des sports outdoor (trail et randonnée principalement) pratiqués par une clientèle à fort pouvoir d’achat (panier moyen de 1 000€/an).
Une rapide étude de marché nous a permis d’identifier des concurrents directs (Patagonia, Columbia, The North Face), indirects (Helly Hansen, Salomon) et de potentiels nouveaux entrants (Adidas, Under Armour).
Un mapping selon notre positionnement (voir ci-après) et nos valeurs nous a placé au même niveau que Patagonia. Une autre de nos sources d’inspiration. Positionnement :
- Produits techwear outdoor (textiles et sacs)
- Milieu-haut de gamme
- Made in France (autant que possible)
- Marché français et européen
- Petites séries (avec réassort selon demande)
- Cible : CSP+, sportifs réguliers, pratiquants confirmés des sports outdoor (trail, randonnée, kayak, etc.)
- Age : pas d’âge particulier, adultes uniquement
- Politique de distribution : site internet, bureau/showroom, corners
Ce positionnement est complémentaire à ces grandes lignes de ce que nous souhaitions mettre en place au niveau de l’entreprise :
« L’innovation par et pour le terrain :
- Un système de rapports d’expérience via notre stratégie d’e-mailing
- Des rencontres clients/marque sur le terrain
- Créer les produits dont ils ont toujours eu besoin
Apporter un service supérieur à nos clients :
- Suivi personnalisé
- Un service-client proche et humain
Créer une relation de confiance avec le client :
- Un cahier des charges environnemental, social et éthique
- L’inscrire au centre du processus créatif par le système de rapport d’expériences et des consultations publiques
- Faire de nos clients les égéries de nos campagnes de publicité »
Conclusion : qu’est-ce que ça va donner ?
Pour être honnête je ne pense pas que cette idée puisse réellement avancer. En tout cas dans un premier temps. Le produit est intelligent (mention spéciale aux retraitées qui m’ont aidé à trouver des idées de personnalisation à l’aéroport de Ljubljana), bien pensé et qui respecte les basiques du marché (zips, matière, coutures, etc.). Par ailleurs ce genre de produit n’est pour l’instant commercialisé que dans des domaines spécifiques (chasse, BTP). A voir s’il pourrait vraiment trouver son public dans les pratiquants de sports outdoor.
Parlant un peu plus de la marque. Je la trouve belle et forte (si donné qu’on puisse donner ces qualificatifs à une marque). L’histoire est intéressante, le logo fait le travail (réalisé sur Powerpoint) et puise dans des influences de qualité (Bonne Gueule, Patagonia…) et l’image est bien structurée. De ce point de vue, si jamais on me demande des idées pour une marque de sportswear outdoor, je suis armé.
D’un point de personnel j’en retire beaucoup de choses positives. Je pense que comme j’adore lire et écrire des histoires toute la partie création de l’histoire, raconter d’où viens la marque, ce qu’elle signifie, cela m’a beaucoup aidé. J’ai aussi pu mettre sur écrit ce qui moi me plairait de retrouver dans une entreprise de ce secteur et même dans les entreprises en général. Voir la réaction des autres à ces idées a été pour moi intéressante car elles ont été largement positives. Enfin j’ai apprécié créer toute la partie graphique, entièrement réalisée sur Powerpoint, autour de la marque, même si avec une meilleure connaissance de Photoshop & Co ça aurait pu être encore meilleur !
J’ai découvert la création de marque et tous les métiers qui y sont relatifs (pleins de noms en brand). J’ai adoré. Reste à creuser la chose à l’avenir.
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